Actualités de l'ANDP
Bulletin ANDP Janvier 2021
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- Publication : dimanche 31 janvier 2021 19:14
EDITO : EN ROUTE POUR 2021...
Chrystelle Cardon Co présidente
Chers lecteurs et lectrices du bulletin de l’ANDP, c’est après une longue gestation que nous nous décidons enfin à accoucher de ce premier bulletin 2021 !
Vous l’aurez noté nous sommes aujourd’hui de retour après une année 2020 si particulière. Celle-ci nous a permis de requestionner notre métier sous un nouvel angle comme beaucoup d’autres métiers.
Dans ce bulletin vous retrouverez justement ces diverses interrogations qui nous ont tous traversé durant ces périodes difficiles qui sont semble-t-il loin d’être terminées.
L’ANDP est restée très mobilisée sur tous les fronts participant au groupe sur le COVID, sur les travaux de l’IGAS et surtout aux premières réunions avec le groupe de travail sur le statut des MJPM et la refonte de la formation.
Mais n'oublions également la présence de l'ANDP au colloque de l'AFFECT du 26 septembre dernier.
Nous entamons une nouvelle année 2021 dont nous ne connaissons pas encore l’horizon que ce soit au niveau sanitaire ou même pour l’avenir de notre profession. C’est pourquoi, malgré les difficultés de chacun et chacune, nous restons mobilisés.
Vous l’aurez compris nous ne pourrons nous permettre dans ce contexte si particulier d’éditer autant de bulletins que nous ne le souhaitons mais nous restons présents et très mobilisés pour vous représenter.
En effet, que vous soyez MJPM en association, en préposé ou en individuel qui chaque jour êtes présents pour faire vivre au quotidien les personnes dont vous avez la charge.
L’importance du terrain pour construire une nouvelle politique publique est primordiale. Car ce n’est que des professionnels de terrains que peut venir la voix de la raison. Nous pouvons amener par nos exemples de cas pratiques et de situations réelles du sens à toutes ces lois face à des questions où l’Etat semble parfois oublier la réalité et le concret auquel nous sommes confrontés.
Nous vous souhaitons à tous pour 2021 non seulement le bonheur mais en priorité la santé pour vous et vos proches et de continuer de vous épanouir en travaillant au service des personnes protégées.
Très bonne année 2021 de la part de toute l’équipe de l’ANDP !
Colloque de l’Affect du 26 septembre à Arcachon,
Aude, Membre du bureau
« Ce propos se bornera à éclairer de manière concrète les tensions éthiques qui peuvent traverser le MJPM lors qu’il est question de protéger l’intégrité du consentement des personnes et de formuler quelques propositions sur la posture professionnelle qui peut être adoptée à cette occasion.
Il n’y a, en la matière, pas de solutions claires et définitives.
En effet, « le droit n’est pas cet absolu dont souvent nous rêvons » (Doyen CARBONNIER).
L’activité de protection est un « travail de l’ambivalence[1] », opérant des allers retours permanents entre l’action située, l’action de terrain des professionnels et la norme juridique.
La dynamique relationnelle instaurée au travers du mandat de protection est bien évidemment nourrie et bordée par le Droit.
Mais elle se décline au travers des capacités concrètes de la personne, celles qui se dessinent au temps long.
Il paraît dès lors intéressant de sonder les « entre-deux », ceux pour lesquels la mise en œuvre des mécanismes de protection de l’intégrité du consentement énoncés par le droit civil, peut être mise en débat.
Dans ces circonstances, le MJPM est appelé à recueillir et faire connaître la volonté de la personne (I), de maintenir l’hypothèse de son autonomie en dépit de la déprise partielle de sa capacité d’exercice (II), évaluer (III) pour définir si l’acte entrepris doit ou non être annulé ou modifié.
I. Distinguer volonté et consentement
En droit, le consentement est une traduction juridique de la volonté.
Hors de la sphère civiliste, le verbe « consentir » revêt plusieurs acceptions : autoriser/permettre, vouloir bien, accepter que quelque chose se fasse, ait lieu, existe…
Ce verbe désigne un processus de décision marquant, une adhésion (au moins supposée) à l’acte accompli.
Il est essentiel de rappeler ici que la matière première avec laquelle le MJPM compose est la volonté de la personne protégée, comme manifestation de sa puissance d’agir dont le MJPM soutient, par l’effet du mandat de protection, la traduction sur la scène juridique.
Dans le cadre de son exercice professionnel, le MJPM a conscience que la qualité de la volonté influence la qualité du consentement.
Le MJPM œuvre sur les deux niveaux, travaillant avec l’idée que la volonté et son pendant juridique (le consentement), même émis dans un contexte de particulière vulnérabilité, même a priori déraisonnables doivent être ab initio (au commencement) pris en compte et ne pas faire immédiatement l’objet d’une mise à l’écart.
C’est bien à travers ce paradigme inaugural que peut s’apprécier la mise en acte de la protection de l’intégrité du consentement.
II. Maintenir l’hypothèse de l’autonomie décisionnelle
Le travail auprès des personnes protégées traduit « une attention aux capacités[2] ».
Il s’agit ici des capacités intrinsèques de la personne, de ses capacités concrètes.
C’est sur celles-ci que s’adosse pour partie, l’action de consentir.
En effet, consentir appelle à mettre en œuvre toute une série d’opérations cognitives (s’informer, analyser, évaluer) et tout une série d’arbitrages.
Il paraît fondamental de souligner ici que dans son exercice quotidien, le MJPM combine une approche dynamique et promotionnelle des capacités de chaque personne protégée.
Il s’agit d’une part d’apprécier ce que la personne peut faire seule et de lui conserver son pouvoir d’agir.
Et cela, à la différence d’une approche substitutive qui ne se centrerait que sur les conséquences d’une inaction ou d’un refus.
Il s’agit d’autre part d’indiquer à la personne qu’elle peut faire seule et souligner son pouvoir d’agir.
Et cela, à la différence d’une approche déficitaire se centrant sur les carences à combler ou les « écarts » à corriger.
Il s’agit donc, autant que possible, de conserver et de promouvoir chez la personne, la capacité à initier, à entreprendre, à choisir pour et par elle-même, de maintenir l’hypothèse de son autonomie décisionnelle en dépit de la déprise partielle de sa capacité d’exercice.
Le MJPM contribue à l’émergence ou la restauration de cette autonomie décisionnelle par la confiance que chaque personne peut, à travers à son action, mettre dans sa propre capacité à agir[3].
Dans ce cas, l’aptitude de la personne à consentir serait maintenue, l’exception, celle de son incapacité à l’entreprendre.
Les mécanismes protecteurs du consentement viennent a contrario disqualifier le processus décisionnel de la personne protégée.
Comment le MJPM peut-il dès lors envisager la mise en œuvre des outils de protection définis par le droit civil ?
III. Connaître et considérer, informer, évaluer
La protection de l’intégrité du consentement se réalise au moyen de différents leviers.
Pour rappel, en amont de l’acte et tout au long de son accomplissement jusqu’à sa conclusion, se retrouve l’information délivrée par le MJPM sur les conditions possibles de sa réalisation et ses conséquences.
Au-delà de la stricte matière personnelle (article 457-1 du code civil), le MJPM est amené à transmettre à la personne protégée des informations relatives au champ financier, budgétaire, administratif de la mesure de protection dont elle bénéficie.
La qualité (accessible et adaptée) et la complétude de cette information vont demeurer centrales dans la formation et l’accomplissement du processus de décision de la personne protégée.
Les mécanismes d’assistance (double lecture, contreseing du curateur lorsqu’il est requis) ou de représentation (étant entendu que la volonté des personnes est systématiquement recherchée quel que soit le régime juridique instauré par l’autorité judiciaire) de nature à sécuriser les tiers par le pouvoir de gestion qu’ils confèrent au MJPM.
En aval de l’acte, le MJPM enclenche un travail d’évaluation c’est-à-dire de collecte et d’analyse visant à vérifier si l’acte est le résultat d’une volonté libre et éclairée.
Cet acte professionnel est d’autant plus prégnant pour les actes d’administration accomplis par une personne en curatelle.
Ici, le MJPM s’appuie notamment sur les données concernant :
- la situation budgétaire de la personne,
- l’historicité de sa mesure de protection (nature de l’altération notamment)
- les souhaits antérieurement exprimés (le DIPM peut être un appui),
- le contexte de conclusion de l’acte.
Exemple : que faire lorsqu’une personne contracte une dette importante dans les jours suivant sa sortie d’hospitalisation sous contrainte ?
Il ne s’agit pas d’arbitrer sur l’opportunité de cet acte mais sur sa légalité et sa faisabilité budgétaire et matérielle.
Mais alors, dans l’entre-deux cité en introduction, n’est-il pas tout de même nécessaire de reconnaître et d’accepter la part déraisonnable de la volonté ?
Un acte peut apparaître déraisonnable ou lésionnaire et pourtant être le produit d’un choix libre et éclairé, même sous l’empire de troubles psychiques.
- Le risque serait ici de ne considérer comme raisonnable que l’acte « reconnu comme un bien par tous [4]», sans plus se soucier de « ce qui importe réellement » à la personne protégée.
Exemple : une personne en curatelle renforcée, atteinte de troubles bipolaires.
Echec relatif des traitements médicaux pour stabiliser la thymie (alternance rapide de phases maniaques et mélancoliques).
Achat pour 1500€ de robes pour assister au mariage de sa première fille.
Budget déficitaire du fait de cet achat.
Respect des traditions culturelles et religieuses qui ont fondé son parcours de vie.
Que faire ? Annuler la vente, envisageable au regard de la prégnance de troubles psychiques ? Ou organiser le paiement échelonné du prix à payer ?
Deux exigences cumulatives semblent devoir guider le MJPM :
- Faire « vivre le souci» (B. EYRAUD) de la personne malgré elle, la protéger d’elle-même.
- Permettre à la personne de vivre sa vulnérabilité fondamentale – négocier avec elle « une zone de risque acceptable[5]».
Lien vers le programme complet du colloque
http://www.affect-france.com/colloque-2020.html
Interview d’une stagiaire MJPM
Salem Zelfa, Membre du bureau interview de Pauline R.
- Comment avez-vous connu l’univers de la tutelle ?
J’ai pu connaitre le service de tutelle par le biais des différents établissements et services de l’AVSEA dans lesquels j’ai travaillé en tant que monitrice éducatrice. Actuellement, je suis salariée dans une Maison d’Accueil Spécialisée gérée par une association qui se situe en Haute Saône. Celle-ci gère des structures sanitaires et médico-sociales dont un service de tutelle. Je suis donc régulièrement amenée à travailler en collaboration avec différents services de tutelle car les résidents de l’établissement où je travaille ont une mesure de protection de type tutelle.
- Quelle idée aviez-vous de ce métier vu de l’extérieur ?
L’idée que je me faisais du métier de mandataire judiciaire au sein d’un dispositif de protection juridique était principalement liée à accompagner des personnes qui présentent une altération de leurs facultés mentales. Pour se faire, l’accompagnement que le service propose relève d’une aide à la gestion financière et patrimoniale ordonné par un Juge des Tutelles.
- Quelles sont vos expériences avec les services de tutelle ?
Au sein de la Maison d’accueil spécialisée, je travaille principalement avec les services de tutelle dans le cadre de la mesure de tutelle. La collaboration se fait grâce à des rencontres dans le cadre de la présentation du projet de vie de la personne accueillie en maison d’accueil spécialisée. Les objectifs construits pour les personnes accompagnées peuvent être communs ou non en fonction des missions de chacun. Le travail s’effectue donc en complémentarité entre le service de tutelle et la maison d’accueil spécialisée.
- Après 8 semaines de stage, quel est votre ressenti ?
Après ces 8 semaines de stage, j’ai pu découvrir le travail du délégué mandataire dans sa globalité. J’ai pu me rendre compte de la diversité d’interventions pour laquelle le délégué mandataire intervient auprès des majeurs protégés. Je remarque que le mandataire doit entretenir une relation de confiance avec le majeur pour permettre de mener au mieux son accompagnement. Il faut faire en sorte que l’usager puisse adhérer à l’aide qui peut parfois être « imposée » par un tiers (le Juge des Tutelles).
Pour se faire, le délégué mandataire doit régulièrement rappeler les objectifs fixés avec la personne et travailler en lien avec différents outils comme par exemple : le budget ou le Document Individuel de Protection des Majeurs. Son intervention doit valoriser la personne dans son autonomie tout en proposant des solutions ajustées aux besoins et aux attentes du majeur. J’ai également observé que chaque délégué avait une approche différente dans la façon d’accompagner les majeurs.
- Que diriez-vous de ce métier aujourd’hui ?
Le métier de mandataire judiciaire au sein d’un service de protection juridique est très varié dans ses missions. L’accompagnement qui est prodigué au majeur est variable en fonction des objectifs de vie et de la mesure qui est prononcée par le Juge des tutelles. Il est donc essentiel de viser des objectifs d’autonomie de la personne, de « ne pas faire à la place de » mais d’aiguiller la personne dans ses choix.
Pour moi, le métier de délégué mandataire au service des tutelles demande une polyvalence dans sa pratique, une remise en question, de la rigueur, une bonne organisation dans son travail et une veille professionnelle principalement au niveau du cadre juridique et des pathologies des majeurs protégés.
- D’après vous, quels sont les points positifs et négatifs de ce travail ?
Les points positifs dans le travail du délégué mandataire sont principalement la diversité des tâches qui sont confiées au quotidien. En effet, le délégué mandataire gère son organisation de travail en autonomie et prévoit son accompagnement en fonction des priorités qui lui incombent ou qui s’imposent à lui. Son travail est donc très polyvalent. Il travaille avec un certain nombre de partenaires, il entretient un large réseau et procure un accompagnement personnalisé aux majeurs protégés.
Au niveau des points négatifs, je remarque que le délégué mandataire est souvent confronté à accompagner un grand nombre de mesures induisant une charge de travail administrative plus importante qui est souvent au détriment de l’accompagnement éducatif de la personne.
- Comment pourriez-vous améliorer l’image de ce métier ?
L’image de la tutelle est souvent vu de par son aspect financier. Pour l’améliorer, il faudrait davantage exposer son accompagnement personnalisé et éducatif par le biais des différents outils qui sont mis en place par le service. Je trouve également que les partenaires ont un rôle à jouer dans l’image du métier. Pour se faire, ils doivent être davantage informés sur les missions et les limites des délégués.
8. Recommanderiez-vous ce métier à votre entourage, de quelle manière ?
En tant que travailleur social, je recommande ce métier qui a des compétences très variées. Il permet d’élargir ses pratiques professionnelles dans le champ des politiques sociales et territoriales. Le métier m’a fait découvrir un certain nombre de partenaires sociaux. Grace à son accessibilité par le biais du Certificat National de Compétence, le métier de mandataire à la protection des majeurs permet de travailler avec une pluridisciplinarité de professionnels.
Brève de terrain sur le confinement
Céline Guillaumie, Membre du CA
Il y a un avant et quel après ?
Confinée, comme beaucoup d’entre vous, je me questionne quant à ma façon d’exercer mes missions de mandataire judiciaire.
Aujourd’hui, bloquée, non, posée chez moi, je me rends compte que j’offre une écoute aux personnes, je gère l’administratif avec ce courrier qui n’arrive plus que trois jours par semaine (un doux rêve).
Dans un premier temps cette nouvelle organisation me culpabilisait, l’impression de ne rien faire, de ne servir à rien.
Moi qui avais l’habitude de courir après le temps, de cumuler les rendez-vous, de faire des journées à rallonge avec le sentiment de ne jamais faire assez et de ne pas être à la hauteur des nombreuses injections faites de part et d’autre.
Je suis pourtant à l’aise avec les limites de notre mandat, j’échange régulièrement avec mes pairs, je fais de l’analyse des pratiques et cette impression me semble partagée par beaucoup. C’est donc la « vie normale » du MJPM soucieux des personnes dont il « s’occupe ».
Après la culpabilité vient la réflexion :
-suis-je toujours présente et à l’écoute des diverses demandes et problématiques : bien sûr
-mon administratif est-il fait : plutôt deux fois qu’une !
-les rendus prêts : oui hormis deux inventaires non réalisés pour cause de confinement général.
J’entretiens des contacts réguliers avec les personnes dont j’assure une mesure de protection (appel toutes les semaines), je reste à leur écoute dès qu’ils en ont besoin, le travail avec les partenaires continue, des difficultés de terrains apparaissent (suivi psychiatrique stoppé, prestations de ménages simples annulées…), mais je continue à trouver des solutions, à solliciter les services afin qu’une continuité soit assurée et que chacun puisse bénéficier du meilleur souhaité dans les conditions connues.
Avant, courir après le temps à me demander si je suis à jour dans « mes dossiers », maintenant assurer le travail afin que mes bénéficiaires aient l’optimum tout en ayant un rythme plus doux, mais demain ???
Demain, dois-je me remettre à courir avec mes baskets pour prendre « enfin » du temps pour moi où courir après quoi ?
Dois-je vraiment faire des visites toutes les 6 semaines pour prouver que je fais du bon travail ? Les temps de téléphone ne sont-ils pas cumulables avec ces visites pour écouter l’autre, comprendre ses besoins et construire une relation de confiance ?
Notre rôle finalement n’est-il pas d’orchestrer, de travailler en partenariat afin que la personne bénéficie d’un service efficient et répondant à ses problématiques ?
In fine, si tout cela est bien mis en place, cela ne permet-il pas de s’effacer et de travailler la main levée ?
À quoi demain ressemblera ?
Ce courrier, qui n’arrivent plus que trois jours par semaines, finalement se traite aussi bien qu’en essayant d’y répondre tous les jours pour être sûr de ne pas accumuler trop de retard.
Prendre soin des autres tous en prenant soin de soi, comment organiser cela ?
Pourrait-on, chacun, fort de nos expériences et de notre vécu, y réfléchir pour qu’ensemble nous puissions faire face aux injonctions ?
Brève de terrain sur le confinement
Une journée confinée…
Ouverture de la boite mail : la journée commence, une autre journée de télétravail.
Madame L a encore inondé la boite vocale de chansons d’encouragement, de remerciements, « pour toute l’équipe qui est encore là malgré le confinement »
Ouf, Monsieur S est sorti de réa, il tient au fauteuil, victoire, bravo à lui. Un message d’espoir après ces 3 semaines qui devrait rebooster copains du foyer et équipe éducative
Madame P a besoin d’une intervention pour changer une ampoule, il y a 2 jours c’était le plombier pour la baignoire et juste avant le téléphone qui ne marchait plus (« réparé » par l’infirmier, merci !!) ;
Monsieur C ne s’en sort pas avec son budget hebdomadaire : les commerçants de proximité immédiate sont bien plus chers ; Monsieur G lui n’a pas le choix que de retourner faire des courses tous les 2 jours : il est « rationné » dans la superette du coin.
Encore une alerte pour Monsieur B qui ne comprend pas le confinement et sort se promener avec sa bande de copains tous les jours, pas de respect des gestes barrière = mise en danger des éducs qui viennent chaque jour le voir dans son appartement diffus – car bien sûr ils ne sont pas prioritaires pour des masques. Mais que pourra y faire la MDPH ? La tutrice va encore essayer…
Appeler ce matin Madame N, renforcer les liens : son moral part en vrille, les voix ne sont pas loin ;
Monsieur D, ronchon à son habitude, c’est bon signe, et bienveillant « faites attention à vous »
Allo psy mobile : le fils de Madame G est plus que jamais persécuté par la voisine, et exprime des menaces inquiétantes : SPDRE en cours. Et elle de me dire « Madame, appelez l’hôpital pour qu’ils le relâchent, je veux qu’il revienne ! ». Trouver les mots pour la rassurer, pour lui faire entendre le besoin de soin.
Et expliquer encore à Madame D (x co-morbidités) que dehors c’est dangereux pour elle. Mais elle est si ritualisée et oublie si vite, compliqué.
Et Monsieur R qui m’envoie de nouvelles photos de son petit-fils et de son vélo d’appartement. Il tient : ses « copains sourds sont bavards ! »
Echange sur nos inquiétudes réciproques avec le CMP sur la situation de Mme M, qui est retournée chez son mari après 9 mois de CHRS, 10 jours à peine après la convocation en correctionnelle de ce dernier, pour violences conjugales (report), divorce en cours, signalement au Juge des Enfants... Trop peur du virus au CHRS, mais est-ce vraiment la raison ? La manipulation du mari perle, qui en la faisant revenir fait perdre poids à ses dépôts de plainte.
Un skype est calé à 14h avec Mme B et son compagnon.
Les appels s’enchainent, les heures filent. Madame C parle tant « qu’est-ce que je ferais sans mes associations ? Je suis toute seule », elle s’accroche et trouve tout sujet.
Ne pas oublier de s’assurer de valider les factures, que Madame B reçoive bien la somme demandée pour des cahiers d’activité qu’elle commandera en ligne : seule dans 50m2 avec 3 enfants entre 3 et 6 ans, plus de TISF, la Sauvegarde au téléphone tous les 15 jours, pas de commerces à proximité de sa tour et les supermarchés qui ont des carnets de livraison à plus d’une semaine…
Mes enfants toquent à la porte : c’est l’heure du déjeuner.
Encore essayer de joindre Monsieur H, il devrait répondre maintenant qu’il a renoncé à rejoindre ses copains à la G, le lieu étant maintenant désert. Il m’inquiète, les propos suicidaires prennent de plus en plus de place. Si seulement la psy était présente, mais ce projet n’a jamais pu avancer avec lui.
Et la cuisinière qu’il faut remplacer, le tabac et les produits d’hygiène à faire livrer au CHS (se coordonner avec les collègues pour partager les frais), et Monsieur Q qui a encore cassé son téléphone.
Etc etc etc…
Trouver le mot juste, rassurant, plus que jamais vigilante au moindre signe, trouver des idées pour rompre le rythme tv manger tv manger dodo, l’isolement, et expliquer, réexpliquer les gestes barrières et les consignes. Et les attestations de déplacement dérogatoires, grands moments…
Et reprendre les budgets pour améliorer l’ordinaire mis à mal, proposer de réorganiser les versements pour limiter les déplacements au distributeur. Portages de repas ? livraisons de paniers par des associations ?
Oui Madame T, je sais bien que derrière vos 3 mails pour me demander si l‘argent arrivera bien vendredi – comme d’habitude – se cache un besoin de parler encore… Mais je ne peux pas vous appeler tous les jours !!
Garder le lien aussi avec le partenariat, l’informer des étapes, voire l’interpeler en lui pointant les points de fragilité identifiés. Certains sont là, d’autres…
Les droits ont été prolongés mais pour autant nous savons tous que le déconfinement sera une autre étape compliquée, il faudrait mettre à profit ce temps pour constituer voire envoyer les dossiers (retraite, MDPH...). Mais comment les faire « avec » en ce moment, pas simple au téléphone, alors que tout le sujet des inquiétude, récrimination, doléance tourne autour du temps long, où faire ses courses, de la persécution, des angoisses et de la peur. Et y aura-t-il assez d’argent au distributeur pour moi ? Les dossiers font partie de la vie « normale », et en ce moment…
Il y aura un après, une reprise, version post traumatique pour beaucoup, et il nous appartient aussi de l’anticiper. Et dans cet après de nouvelles mesures arriveront en vague, un concentré de 2 mois d’abord, certainement de fait plus dégradées, plus urgentes, suivies dans quelques mois par celles sollicitées en urgence par les partenaires de secteur qui ne pourront être que débordés par les conséquences de la crise sur les plus fragiles. Fracture sociale, détresse psychique, violences.
Et il y aura un après où nous, MJPM, comme les personnes que nous accompagnons, allons devoir nous réadapter, espacer les appels pour réintroduire des visites.
Les heures ont filé en un rythme soutenu.
Cette injonction au care rendue plus pressante encore par le contexte me laisse chaque soir insatisfaite de ne pas avoir pu appeler telle ou tel, de pas avoir pu trouver ne serait ce qu’un moment pour avancer sur le fond.
Demain peut-être ?
La Covid vue du terrain par les MJPM
Salem Zelfa, Membre du bureau
La COVID19 est venue impacter de manière brutale nos missions et n’en finit pas de bousculer nos repères.
L’exercice du mandat a pris une tournure que personne n’a vu venir.
Le télétravail est venu remettre en question certains fondements de nos missions. L’accompagnement, le suivi efficient de notre activité, la perte de repères qu’il fallait reconstruire depuis notre domicile était inédite.
Là où certains majeurs protégés ont besoin de contacts, il a fallu mettre en place des gestes barrières afin de garantir une sécurité sanitaire pour le bien de tous.
Le rôle du MJPM a été incontournable dans la diffusion de l’information sur les gestes barrières à maintenir et à respecter, tout comme dans l’explication de la bonne utilisation des attestations dérogatoires de déplacements.
Pour certains majeurs, cette crise sanitaire a aggravé leurs conditions de vie, a majoré leur anxiété voir même a engendré une décompensation psychique.
La COVID19 a permis aussi de recréer du lien entre pairs. Un certain nombre d’entre nous se sont partagé diverses idées ou conseils. Cette période nous oblige à innover pour maintenir le lien à distance avec les majeurs ou organiser avec les partenaires de nouvelles solutions.
D’autre part, majeurs protégés et mandataires étaient mis pour une fois, sur le même pied d’égalité. Tous les deux se trouvaient en situation de vulnérabilité face à cette pandémie.
J’ai pu noter que certains majeurs se soucient dorénavant de notre santé. Ils ont compris que nous étions vraiment là pour eux et que sans nous, leur quotidien serait vraiment difficile.
Durant ces semaines de confinement, de re confinement, de couvre-feu, la solidarité aura été un des marqueurs de l’année 2020.
À tous et toutes, je souhaite une très bonne année 2021.
La Covid vue du terrain par les MJPM
2020, année particulière…
Il aura fallu l’arrivée d’une toute petite chose meurtrière pour venir perturber la vie de tous, des plus fragiles surtout.
Au-delà des conséquences sanitaires et économiques pures, elle a provoqué un ravage dans ce qui est un fondement de notre nature humaine : le rapport à l’autre.
La distanciation sociale est devenue règle d’or.
L’autre est devenu potentiellement dangereux ou potentiellement plus fragile. La défiance, quand ce n’est pas la méfiance ont pu s’emparer de quelques-uns, par raison, prudence ou par angoisse. Les gestes barrières comme les masques qui cachent les sourires ont dressé un mur de verre dans le lien, les poignées de mains comme les accolades ou les câlins sont depuis trop longtemps interdits.
Les confinements et couvre-feux ont complété le tableau, amputant chacun d’entre nous des liens sociaux et de leur fonction vitale.
Le monde du travail aussi s’en est trouvé affecté, contraignant certains à l’arrêt, donc au repli renforcé, d’autres au télé-travail, qui induit un empiètement du professionnel sur l’intime, une dilution des frontières entre les espaces de vie.
Pas de critique de ces mesures, indispensables, mais un constat triste et inquiet sur leurs conséquences.
Dès les premiers jours, en mars, nous subodorions les troubles à venir, qui n’ont pas fini de se manifester : majoration importante des violences intrafamiliales, isolement, troubles psychiques, sans occulter les conséquences financières des chômages partiels ou augmentation de la fragilité des personnes en emplois précaires… et bien sûr tous ceux vivant (survivant ?) de ressources non déclarées (manche, prostitution, travail au noir…).
Cette chose a fait glisser sournoisement les vies vers du moins bien, ou du pire, du plus triste en tous cas.
Et les personnes protégées dans tout cela ?
J’oserais dire qu’elles ont peut-être eu la chance d’avoir cette garantie d’attention et de bienveillance qu’impose le mandat, au-delà de notre humanité, de notre souci de l’autre.
Citoyennes, elles ont aussi pu bénéficier de cet élan de solidarité, construit d’initiatives individuelles ou collectives.
Mais.
Mais, par essence déjà plus fragiles, trop d’entre elles ont été exposées plus fort souvent à la violence des manques et contraintes.
Des études nous montrent la flambée des troubles anxieux, des primo décompensations, des burn-out dans la société en général.
Sur le terrain, nous touchons du doigt le mal-être.
Quelque chose de l’ordre du plus : plus tristes, plus inquiets, plus seuls, plus agressifs, plus angoissés, plus incuriques parfois, plus fatalistes des fois ou plus rebelles pour d’autres.
L’exercice est plus dense et loin d’être aisé.
Quid des personnes souffrant de troubles psychiques confrontés à la fermeture des lits dans les hôpitaux psy, aux équipes de la cité amputées par les départs ?
Quid des personnes âgées contraintes à la chambre en EHPAD, ou cloitrées chez elles pour les autres, et toutes rationnées en visites, pourtant dernier plaisir essentiel. Double peine si on additionne le facteur morbidité majoré.
Quid de tous ceux qui attendaient leur séjour de vacances d’été, puis d’hiver, plus que jamais, pour rompre avec ces quotidiens qui se ressemblent tous... tous annulés, comme les activités de loisir, sportives, ou les sorties.
Et encore et encore…
Et pourtant, bien qu’épuisées, les équipes du médico-social se sont plus que jamais mobilisées, quelle que soit leur place ou leur mission.
Ce contexte particulier nous aura tous poussés à ré inventer nos accompagnements, et de belles choses en sont nées qui motivent pour la suite, malgré tout.
De toutes petites grandes choses qui font du bien et remettent le pied à l’étrier : messages de remerciement, chansons d’encouragement, attentions bienveillantes de nos personnes protégées, et parfois comme du plus vrai et sincère ressenti dans le lien. Et oui, paradoxalement, malgré et par-dessus tout ce que ce climat a de délétère pour les relations humaines.
Toujours pas de baguettes magiques, mais haut les cœurs, tous ensembles, pourrait donc être notre mot d’ordre ?
Réunions ministérielles
Agnès Francis, Coprésidente
Depuis le dernier trimestre 2020 l’ANDP ainsi que d’autres fédérations participent en audio à un groupe de travail Interministériel et pluridisciplinaire sur la réforme de la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Ce groupe de travail est piloté conjointement par la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) et par la Direction Civile des Affaires et du Sceau (DACS). Dans la lettre de mission adressée par le Gouvernement le 9 novembre 2020, il est demandé de formuler des propositions concrètes dans un délai court de 12 mois.
Les propositions du groupe de travail doivent porter sur :
-le titre professionnel d’accès à la formation (formation initiale et continue)
-le statut et l’organisation de la profession des mandataires
-le périmètre d’intervention des mandataires et le financement des mesures de protection
-la discipline et la déontologie applicables au mandataire
-la responsabilité des mandataires
-le renforcement des liens entre les acteurs de la protection
Le groupe de travail devra rendre son rapport au plus tard le 31 décembre 2021.
L’enjeu est de taille et les délais sont courts…
Lundi 07 Décembre 2020 s'est déroulée la 3ème séance de travail du Groupe de travail interministériel sur la Profession de Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs (MJPM) à l’issue de laquelle une reformulation de l’article L 471-1 du CASF portant sur le statut devait être proposée ainsi que sur l’article L 471-2, qui renvoie à la formation.
Après de nombreux échanges et interventions (environ une soixantaine de mails échangés), la DGCS a transmis au cabinet de Madame Bourguignon la définition suivante :
"Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs exercent à titre habituel les mesures de protection des majeurs que le juge des tutelles leur confie au titre du mandat spécifique auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire.
Leur mission est d'assurer, dans le cadre du mandat qui leur a été confié, la protection juridique de la personne et de ses intérêts patrimoniaux et de contribuer à son accompagnement social en lien avec les autres professionnels et intervenants. Cet accompagnement de la personne, qui s'effectue sans préjudice de l'accompagnement social auquel elle peut avoir droit, est destiné principalement, à consolider certains actes juridiques, vérifier l'existence et la manifestation d'un consentement, et aider la personne à faire valoir ses droits fondamentaux.
Cette mission vise à garantir les libertés fondamentales, à soutenir l'exercice de ses droits et à promouvoir son autonomie, autant qu'il est possible, et son aptitude à décider en s'assurant de l'expression de sa volonté.
Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs s'engagent à respecter une charte éthique portant sur les principes éthiques afférents à leurs modes de fonctionnement et d'intervention et leurs pratiques professionnelles. La charte est définie par voie réglementaire en associant notamment les mandataires professionnels et les représentants des usagers."
Bien que la jurisprudence (CA ANGERS 10 .02.2014 N°13/01004) et la doctrine (Colloque du 12/10/2012 "Mandataires judiciaires à la protection des majeurs : Profession réglementée ? Métier d'avenir ?" /Le mandataire judiciaire à la protection des majeurs est-il un auxiliaire de justice ?) s'accordent à dire que les MJPM concourent de façon permanente au fonctionnement du service public de la justice et comme tel ont la qualité d'Auxiliaires de Justice, cette qualification a été rejetée par la DGCS. Les motifs évoqués sont d’une part que cette qualification fragiliserait le pouvoir de contrôle des DDCS (Direction Départementale de la Cohésion Sociale) et d’autre part qu’elle exclurait le MJPM de la sphère sociale et médicosociale.
S’agissant de la notion « d’accompagnement social » accolée à la mission du MJPM, l’ANDP a exprimé ses inquiétudes quant au risque confusion et du risque accentué d'interprétation de notre mandat par les autres professionnels du secteur médico-social.
Pour ce qui est de la formation, il serait question de reconnaître un diplôme de niveaux 1 et 2 selon la qualité de MJPM ou Chef de service/directeur associatif.
Nous avons défendu pour la formation une demande de temps plus long en formation théorique avec le doublement du nombre d'heure et une alternance pour la pratique avec une validation de ce temps sur le terrain plutôt qu’un stage d’observation comme c’est le cas actuellement.
Les séances de travail reprennent en février 2021, l’ANDP restera mobilisée pour défendre au mieux nos valeurs et nos véritables missions.
[1] RAVON, Bertrand. Faire avec des normes plurielles et contradictoires : le travail de l’ambivalence. Rhizome (en ligne). Aout 2014. Disponible sur : http://www.ch-le-vinatier.fr/orspere-samdarra/rhizome/anciens-numeros/rhizome-n53-sante-mentale-se-servir-du-droit-comme-d-un-outil/faire-avec-des-normes-plurielles-et-contradictoires-le-travail-de-lambivalence-1388.html.
[2] ZIELINSKI, Agatha. Le libre choix. De l’autonomie rêvée à l’attention aux capacités. 2009. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2009-4-page-11.htm
[3] FLEURY, Cynthia. Le care, au fondement du sanitaire et du social. Juin 2018. Disponible sur : https://chaire-philo.fr/wp-content/uploads/2018/07/Soin_1356-Fleury-1.pdf
[4] ZIELINSKI A., op. cit.
[5] EYRAUD Benoît, VIDAL-NAQUET Pierre A, La place du consentement chez les majeurs placés sous mesure de protection. 14 avril 2011. Disponible sur : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00585650.